Restons discret...

Dans une Queercity les habitants avaient plusieurs solutions qui s'offraient à eux. Prendre la vie comme elle venait et continuer à vivre tant bien que mal ; se rebeller contre sa nouvelle condition en harcelant les gardiens ; ou tenter de changer cette situation en essayant par tous les moyens de s'enfuir de cette ville. Nathaniel avait choisi la première des solutions. En effet les autres s'avéraient trop dangereuses. Harceler les gardiens ou tenter de s'enfuir ne servait qu'à envenimé la situation et menait le plus souvent les téméraires en détention voir au cimetière. Pourtant, une chose était semblable aux trois situations, la nécessité de se faire discret.

Passer inaperçu. C'était devenu une vraie obsession pour Nathaniel. Etre un anonyme parmi les anonymes. Disparaitre dans une foule et ne jamais attirer le regard des gardiens. Ils avaient en effet pour habitudes de choisir un bouc émissaire et de s'amuser avec lui lorsque le temps se faisait trop long. Par chance, le jeune homme était parvenu à leur échapper depuis son arrivée il y a un an. Pour cela il avait repéré leurs habitudes, leur quotidien. Il avait également appris le plan de la ville et connaissait chaque ruelle sur le bout des doigts. Ainsi il pouvait les éviter le plus possible.

En réalité une seule chose lui importait dans cette ville, retrouver les personnes qui lui étaient chères. Sa famille et son meilleur ami avec qui il avait été surpris le jour de ses 18 ans. Nathaniel ne les avaient jamais revu, il n'était même pas sûr qu'ils soient dans cette Queercity. Pourtant, il gardait espoir et continuait de les rechercher sans relâche. Et c'est cette raison qui le poussait à sortir dans les rues à cette heure si matinal, au risque de se faire repérer par un gardien.

Le soleil se levait à peine et les rues étaient encore sombres. Longeant les murs, Nathaniel avançait vers le centre-ville afin d'y rencontrer son informateur, un homme d'une quarantaine d'années qui avaient la réputation de connaitre presque tout le monde. Il ne l'avait encore jamais rencontré et ne lui faisait absolument pas confiance mais s'il voulait retrouver les siens, le jeune homme n'avait pas vraiment le choix. Et c'est avec une grande prudence qu'il avançait vers le point de rendez-vous...

Cela faisait un moment maintenant que Nathaniel marchait dans les ruelles en prenant bien soin de rester dans l'ombre et de demeurer le plus silencieux possible. Stanley lui avait donné rendez-vous dans une impasse du centre-ville. Cet endroit le jeune homme le connaissait bien, c'était l'entrée secrète d'un hangar abandonné où les habitants avaient l'habitude de se retrouver pour mener à bien divers trafics. Il fallait bien comprendre que la vie dans une Queercity était très chere et terne, il était donc normal de voir apparaitre un véritable marché parallèle. On y trouvait de tout, des cigarettes, de l'alcool, de la nourriture en tout genre, tout ce qui pouvait améliorer un peu le quotidien à des prix défiant toutes concurences car, non soumis aux taxes des gardiens. Bien évident tout habitant surpris à trafiquer étaient gravement punis.

Nathaniel était enfin arrivé et n'avait visiblement pas été repéré et se surpris à s'en sentir soulagé. Pourtant, il savait très bien qu'il ne serait en sécurité qu'une fois rentré à l'appartement. Même si cette sécurité restait toute relative, les gardiens ayant droit d'ingérence dans l'ensemble de la Queercity. La propriété privée ici n'existait pas, la justice non plus d'ailleurs. Ou plutôt si, celle des gardiens qui agissaient comme des dieux au milieu des fragiles mortels. Mais il devait cesser de penser à ça. Bientôt il verrait Stanley et apprendrait peut-être ou se trouvait les siens. C'était son seul but, son dernier rêve. Nathaniel passa le coin de la rue, entrant dans la ruelle.

Stanley était au sol, aussitôt des frissons parcoururent le corps de Nathaniel mais l'homme lui fit un sourire rassurant et il se décida à avancer à sa rencontre. Étrangement à chaque pas qui le rapprochait de lui, une voix dans sa tête lui hurlait de faire demi-tour, de quitter cet endroit. Mais malgré cette voix, le jeune homme s'obstinait à avancer. L'homme assit là était son seul, son dernier espoir de retrouver les siens. D'entendre la voix apaisante de sa mère, les bras rassurants de son père et surtout le rire de son meilleur ami. Pas un jour ne passait sans qu'il pense à eux. Et aujourd'hui il allait enfin obtenir les réponses à ses questions.

"Stanley?"

Nathaniel était à présent bien avancé dans la rue et ne se trouvait plus qu'à quelques pas de Stanley qui soudain perdu son sourire et serrant ses poings sur une branche de marronnier. Il ne l'avait pas remarqué avant mais, il semblait affaibli et lorsqu'il posa son regard compatissant sur lui, le jeune homme tressaillit. Ce regard ne pouvait signifier qu'une seule chose, Nathaniel venait de tomber dans un piège. Les gardiens étaient surement déjà derrière lui. Il devait réfléchir vite. Ils étaient dans une impasse, les murs étaient bien trop hauts et lisse pour pouvoir les escalader. La porte du hangar était verrouillé et seul quelques contrebandiers possédaient la clé. Il ne pourrait donc pas fuir par l'avant. Sa seule chance était que les gardiens ne soient en fait qu'un seul et qu'il soit suffisamment vieux pour qu'il puisse lui échapper. Ses chances étaient minces mais, il devait se raccrocher à ce mince espoir qui vola en éclat lorsqu'une voix s'éleva derrière lui.

Ses poings se serrèrent, se maudissant de ne pas avoir écouté son instinct. Cette voix était celle qui hantait le cauchemars de tous les habitants de la Queercity. C'était la voix du chef des gardiens, Leopold De la Croix. De tous, il était le plus dangereux, le plus instable et surtout le plus sadique. Les habitants qui étaient passés entre ses mains tremblaient rien qu'à l'évocation de son nom avant de se cacher. De nature prudente, Nathaniel avait toujours tout fait pour l'éviter même s'il avait eu l'occasion d'assister à ces séances d'humiliation publiques. Et aujourd'hui ce monstre se trouvait dans son dos et il connaissait son nom, lui qui avait toujours tout fait pour être ignoré venait de tomber entre les griffes de Dieu.

Doucement Nathaniel se retourna. Il n'avait pas vraiment envie de faire face à cet homme mais, il n'avait pas vraiment le choix. Son visage semblait assuré mais, la peur se lisait dans ses yeux. Une peur qu'il ne parvenait pas à dompter. Il savait maintenant qu'il n'avait aucune chance de fuite possible, le chef était rapide et adroit, il ne passerait jamais. Il n'avait plus qu'à prier pour qu'il se contente de le mettre en isolement. Mais l'espoir était très faible. Cet homme avait pour réputation de s'amuser avec délectation avec les habitants, ses jouets. La voix de Nathaniel s'éleva enfin, faible et tremblotante.

"Gardien-chef...
C'est un honneur de vous... rencontrer..."

Leopold De la Croix était là, devant lui, à quelques pas, il aurait presque pu le toucher et le sang de Nathaniel semblait se glaçer à cette seule présence. Tout son être lui hurlait de courir mais sa tête lui ordonnait de rester là, de jouer à l'habitant docile et coopératif et il aurait peut-être une chance de s'en sentir avec peu de dommages. C'était tout ce qui lui restait face à cet homme froid et sans pitié. Sa voix résonnait encore dans ses oreilles comme ses immenses cloches dont on entend encore l'échos longtemps après qu'elles aient sonné le glas. Heureusement pour le jeune homme il n'avait pas encore eu affronter le regard du Gardien-Chef, celui-ci semblant se concentrer sur Stanley. Ce dernier compris rapidement le message et partit le plus rapidement possible. Même si le jeune homme lui en voulait de l'avoir entrainé dans ce piège, il savait très bien qu'il n'avait pas vraiment eu le choix et ne lui en tiendrais pas vraiment rigueur à l'avenir, si compté qu'il en ait un.

Après le départ de l'informateur, un lourd silence tomba sur l'impasse. Il sembla durer une éternité, ce qui laissa tout le temps à Nathaniel de se préparer à ce qui allait suivre. Il eut le temps de crisper à son sourire satisfait et à son regard suffisant qui le détaillait dans les moindre détails. A sentir ce regard sur lui, le jeune homme en eu la nausée. Cette sensation de domination était étouffante, accentué par ce silence qui décidément n'en finissait pas. Les mots qui le rompir le firent légèrement sursauter. Ils avaient sonné comme une onde de choc qui parcourait maintenant chaque partit de son être.

Son bourreau avançait, se rapprochant de lui, le laissant sentir son odeur apportée par la brise matinale. Une odeur étrangement douce et attirante qui contrastait avec l'homme qui lui faisait face. Nathaniel gardait bien évidemment la tête baissée comme le voulait la règle lorsque l'on se trouvait en présence d'un gardien. Sauf bien-sûr si ce dernier demandait le contraire. Et la question tomba enfin. Une question vague bien-sûr le laissa libre de ce qu'il choisirait de répondre. Nathaniel devait trouver une information interessante mais il ne tenait pas à dénoncer trop de monde où les personnes qui tomberaient le lui ferait payer tôt ou tard. De plus il était probable qu'il recherche des informations précise et il ne pouvait se permettre de lui dévoiler d'autres secrets. Le jeune homme se trouvait dans une impasse, il choisit donc de tenter d'orienter la question.

"Je ne vois pas ce que je pourrais vous apprendre que vous ne sachiez déjà, Gardien-chef...
Mais si vous consentiez à me poser une question plus précise je me ferais un honneur d'y répondre... "

Le temps semblait s'être arrêté dans la ruelle. Plus aucun son ne parvenait jusqu'aux oreilles de Nathaniel si ce n'est les pas de Léopold qui s'approchait inexorablement de lui. Il semblait si imposant par rapport à lui. Il n'avait vraiment aucune chance face à cet homme. L'homme était maintenant si prêt qu'il pouvait sûrement entendre les battements de son coeur qui s'accéléraient de façon incontrôlable. Et soudain sa main se leva. Il allait le frapper c'était certain. D'instinct, Nathaniel leva le bras pour le placer de son visage et ainsi se protéger. Même si une défense aussi frêleserait probablement balayée par le coup. Un coup qui ne vint pas.

Le grand gardien-chef laissa doucement retomber sa main sur sa tête la faisant lentement descendre le long de ses cheveux alors que son autre main venait se loger dans son cou. Où voulait-il en venir ? Une violente douleur ne tarda pas à lui donner la réponse à cette question. Léopold venait de lui arracher une mèche de cheveux ce qui lui arracha un cri tant de douleur que de surprise d'ailleurs. Il n'avait visiblement pas apprécié la réponse du jeune homme à sa question et c'est en silence, des larmes pleins les yeux que Nathaniel fixait le mur, refusant de croiser son regard.

L'étreinte de ses doigts se refermant doucement sur son cou, le jeune homme le regardait sentir la mèche de cheveux qu'il venait de lui dérober. Et soudain son regard croisa le sien. Un frisson lui parcouru l'échine, comme s'il venait d'être touché par la foudre. Ce regard, si froid, si impassible, si effrayant... Nathaniel en était certain, ce regard le hanterait dans ses cauchemars pour un très long moment. Les doigts se fermèrent alors subitement sur sa gorge alors que ses cheveux se faisaient emportés par une délicate brise. Ses yeux ne parvenaient plus à se détacher des siens, comme une souris qui ne peut s'empêcher de fixer le serpent qui va la dévorer. Les mots franchirent enfin ses lèvres, faibles tels des murmures.

"Je... voulais retrouver... ma famille..."

Son rire s'éleva dans les airs et s'abattit sur Nathaniel comme un poignard. Pourquoi ce rire était il si douloureux ? La réponse était évidente mais le jeune homme refusait de l'accepter, d'accepter cette vérité qui détruirait le peu qu'il restait du "Nathaniel d'avant". En effet avec le temps, sa personnalité avait changé. Lui qui autrefois débordait de joie de vivre, qui souriait à chaque instant, qui était taquin, était aujourd'hui devenu une personne terne, froide et vide. Aujourd'hui il n'était plus que le fantôme de celui qu'il était dans le passé. Son rire avait cessé lorsque le jeune homme percuta le sol. Et ses soupçons furent confirmés. Ainsi on séparait les familles dans différentes Queercities. Non !

C'était faux, Nathaniel en était absolument certain. Il avait rencontré des habitants qui étaient frères et soeurs ou des pères et leurs fils. Pourtant, au fond de lui cette affirmation du Gardien-chef l'ébranla. Peut être que ses familles n'étaient ensemble que parce qu'ils avaient eu assez d'argent pour se l'assurer. Après tout ici tout s'achetait. Tout sauf sa liberté. Le jeune homme devait faire abstraction de ces doutes ou ils le rongeraient et Nathaniel finirait par difinitivement disparaitre. Le plus important maintenant était de réfléchir aux secrets qu'il pouvait se permettre de trahir sans causer trop de dégâts et ce pour lesquels il devait se préparer à endurer la douleur d'un interrogatoire.

Doucement Nathaniel se redressa, gardant la tête baissée, fixant le sol de ses yeux embrumés par la douleur que ces doutes engendraient en lui. Il devait à tout pris se reprendre ou il perdrait le contrôle. Le jeune homme allait maintenant être conduit au poste de garde ou il subirait surement un interrogatoire dans les règles. La menace de Leopold ne le fit même pas réagir après tout il ne comptait en aucun cas s'échapper. A quoi cela servirait ici. La ville serait fouillée et il devrait constamment vivre avec la peur d'être débusqué, ne fesant confiance à personne. Vivant une vie de solitude et hanté par la peur. Et si jamais il était attrapé c'est la mort qui cette fois l'attendrait au boud de l'interrogatoire. Car seule la mort attendait les habitants qui tentaient de fuir...

"Je vous suivrais sans histoire..."

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Salle d'interrogatoire